Client absent, ou peu coopératif : comment réagir ?
Sur l’ordre de mission, rappelez les obligations du propriétaire et les sanctions en cas d’accès difficile (maintien de la garantie de vices cachés.)
Il n’est pas rare que le diagnostic soit effectué hors de la présence du propriétaire des lieux, ou que ce dernier (ou son mandataire) manifeste le souhait de limiter les investigations, sondages et autres prélèvements, pour des raisons de coût ou tout simplement pour « épargner les papiers peints. »
Exemple classique : le diagnostiqueur est mandaté téléphoniquement par un intermédiaire, agent immobilier ou notaire, dont les préoccupations premières sont généralement la rapidité, le coût et, si possible, l’absence d’information alarmante. De surcroît, l’inspection du bien se fera en l’absence du propriétaire, pourtant le mieux placé pour renseigner le professionnel sur les antécédents de l’immeuble.
En somme, aucun ordre de mission et un « cahier des charges » simple : ne pas casser la vente. Il s’agit d’un problème évident, puisque, en pratique, en cas de litige, plus il sera difficile de savoir en quoi consistait la mission confiée par le client, plus le travail de l’opérateur sera jugé hors du contexte réel, ce qui permettra à l’acquéreur de prendre la place du client véritable : le vendeur. Dans cette situation, l’opérateur sera exposé à toutes les critiques, sans pouvoir démontrer que sa mission a été entravée par le vendeur. Par exemple : telle ou telle partie de l’immeuble n’a pas été visitée (combles, vide sanitaire, etc.), du fait d’un vendeur « malicieux », voire tout simplement absent. Mais comment le prouver ? Le plus fâcheux, c’est qu’en cas de procès, l’intermédiaire donneur d’ordre, trop content de voir la foudre s’abattre sur un autre, n’hésitera pas à se montrer aussi virulent que l’acquéreur lui-même, oubliant qu’il est – au moins en partie – à l’origine de la situation.
La jurisprudence se montre alors intransigeante, exigeant du diagnostiqueur qu’il sache donner une vision précise et complète, indépendamment du contexte réel de la mission.
Enseignement essentiel : ce qui augmente considérablement le danger, c’est l’absence d’ordre de mission énonçant :
- la mission confiée au diagnostiqueur,
- les caractéristiques du bien (parties privatives, parties communes, etc.),
- la configuration du bien (présence de combles, vide sanitaire, dépendances, etc.),
- les obligations du propriétaire préalablement à l’inspection (accès, informations),
- les sanctions en cas d’accès difficile (maintien de la garantie des vices cachés),
- la déclaration du propriétaire sur l’absence d’antécédent parasitaire (infestation, etc.).
L’ordre de mission peut être assorti de conditions générales de vente, mais si possible validées par un oeil extérieur (organisme de formation, juriste spécialisé), afin de ne pas involontairement élargir la responsabilité de l’opérateur par une clause maladroite.
Soignez la rédaction du rapport : clarté, économie de mots, rappel du mode opératoire (constat visuel sans sondages destructifs, dans les parties visibles et accessibles), de ses limites réglementaires (exit l’évaluation de la résistance mécanique du bois, etc.), des obligations fondamentales du propriétaire donneur d’ordre (informations, documents, accès).
Facture et lettre d’avertissement
Autre précaution, la facture. Emise après la mission, elle permet de rappeler les anomalies constatées (indices d’infestation, etc.) et conseils donnés (sondages destructifs, intervention d’un homme de l’art), voire de rappeler que l’opérateur peut émettre un devis pour une prestation non comprise dans le diagnostic initial. La jurisprudence a d’ailleurs eu l’occasion d’illustrer cette utilisation « pédagogique » de la facture.
Bien entendu, le fait de communiquer via la facture ne dispense pas de le faire aussi au travers du rapport de diagnostic, d’autant que seul celui-ci a vocation à être porté à la connaissance de l’acquéreur.
Autre moyen de mettre le propriétaire face à ses responsabilités : la lettre d’avertissement confirmant les signaux d’infestation observés ainsi que les mesures de précaution à envisager, transmise par un moyen permettant de conserver une trace de l’envoi (fax, mail).
Impliquer le propriétaire est d’autant plus utile en cas d’incident : donneur d’ordre s’offusquant d’un poinçonnage trop insistant, ou préférant éviter que l’on visite les combles. Il ne faut pas oublier qu’il existe nécessairement deux niveaux dans un rapport de diagnostic : d’abord le niveau réglementaire (respect des règles de l’art, etc.), ensuite le niveau pédagogique, pour anticiper sur la critique, notamment de la part de l’acquéreur : mots simples et parlants, absence de formules ambiguës. A titre d’exemple, il vaudrait mieux dire : « indices d’infestation » (en citant l’agent de dégradation, si possible en français), sans autre précision, plutôt que « des traces de (nom latin) ont été observées dans le cellier ». Ou « bois d’oeuvre attaqués » plutôt que « plancher localement attaqué ».
Enfin, les précisions dans le temps ou l’espace sont généralement à bannir, car elles aboutissent – en fait – à minimiser le danger, l’acquéreur expliquant invariablement avoir cru que le phénomène était apparemment limité à un point unique, ou à une période révolue. Cela illustre d’ailleurs tout le paradoxe du diagnostic, qui se veut une photographie à un instant donné, alors que le consommateur prétend y voir un pronostic, voire une nouvelle garantie des vices cachés.