Diagnostic urgent : sinistre sans assureur
Fin connaisseur du diagnostic immobilier, Me Damien Jost, avocat au barreau de Paris, alerte sur une situation ô combien fréquente: la mise à jour d’un DDT dans l’urgence.
Le diagnostiqueur n’en a pas toujours conscience, mais cette mise à jour n’a rien d’un acte anodin et peut entraîner de fâcheuses conséquences.
“Nombreux sont les diagnostiqueurs recevant un appel téléphonique d’une agence ou d’un notaire pour « actualiser » de toute urgence (à la veille de la signature d’un acte de vente) un diagnostic périmé, comme s’il s’agissait de renouveler une formalité sans réelle importance (tel un contrôle technique pour l’automobile). Situation anodine en apparence, qui recèle pourtant quelques dangers de taille.
En pratique, l’urgence constitue l’un des ingrédients « de base » du sinistre. Émanant généralement d’un client habituel, la commande urgente place l’opérateur face à un cruel dilemme : refuser (et risquer ainsi de compromettre sa relation) ou accepter, au risque de devoir œuvrer sans disposer du temps et des moyens normalement nécessaires au bon déroulement de sa mission.
Avant d’envisager quelques précautions susceptibles de protéger l’opérateur, quelques rappels s’imposent. L’agence ou le notaire prétextant l’urgence pour exiger un travail immédiat de l’opérateur savent qu’ils compromettent ainsi le bon déroulement du diagnostic. Cependant, cette conscience du danger ne les empêche pas toujours de solliciter l’opérateur.
En effet, parce que l’opérateur est un professionnel assuré, dont la responsabilité est largement commentée, certains clients se croient eux-mêmes « immunisés ». Mauvais calcul : obligeant parfois l’opérateur à malmener les règles de l’art, le diagnostic hâtif, quand il aboutit à un sinistre, expose l’opérateur à perdre son assurance, à court ou moyen terme, ce qui impactera les autres professionnels.
De plus, la découverte d’un vice caché (amiante, etc.) après la vente peut aussi impliquer agence et notaire, notamment lorsque ceux-ci n’ont pas suffisamment exploité les informations recueillies par chacun d’eux (par exemple celles provenant du titre de propriété, comme l’illustre une récente décision[1]).
Aussi, face à une commande « urgente », la prudence consisterait, d’abord, à rappeler au donneur d’ordre qu’en cas de litige consécutif à la découverte d’un vice caché, chacun risque d’être impacté, y compris le donneur d’ordre. Une autre précaution pourrait consister à faire établir, avant toute intervention, un ordre de mission/questionnaire invitant le client à préciser (idéalement par retour de courriel) si l’immeuble a connu une évolution depuis le rapport initial (travaux effectués, sinistre, découverte d’un vice caché, etc.). Si le donneur d’ordre persiste dans sa demande, il ne restera plus qu’à trouver le temps de vérifier si la situation de l’immeuble a évolué depuis le diagnostic initial, avant d’établir le rapport actualisé.
Toute difficulté d’accès, toute proposition d’investigations complémentaires, devront évidemment faire l’objet de réserves particulièrement appuyées dans le cadre d’un rapport actualisé. En effet, dans le but de discréditer le diagnostiqueur, trop de réclamations suggèrent que le rapport actualisé ne serait qu’un « copier-coller » du rapport initial. Différencier les rapports revêt donc une importance majeure.
Enfin, par un avertissement lisible (couleur, police de caractères, etc.), il paraît nécessaire de préciser systématiquement dans le rapport actualisé que celui-ci fait suite au rapport initial, sans l’annuler ni le remplacer : sauf avis contraire, les informations figurant dans le rapport initial conserveront donc toute leur valeur pratique (aussi, en cas de vente, il faudra que le donneur d’ordre produise les deux rapports, l’idéal étant qu’il produise tous les rapports en sa possession).
Un tel message permettra d’éviter tout risque de déperdition d’informations (voire toute tentative de dissimulation) entre les rapports successifs.”
[1] Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 3 sept. 2019.