DPE erroné : une « perte de chance » pour l’acquéreur

Bien qu’il ne possède qu’une valeur informative dans les relations entre vendeur et acquéreur, le DPE peut néanmoins exposer son auteur à une mise en cause ; notamment en raison d’une description erronée du bien examiné. Un jugement récent rendu par le tribunal de grande instance de Paris (arrêt n°09/15353 du 7 avril 2011) le confirme. Un jugement étonnant à plus d’un titre.

De la catégorie C à G

Après avoir classé une maison en catégorie C, le diagnostiqueur avait indiqué que ce site comprenait : une chaudière à gaz, alors qu’il n’existait qu’un ballon électrique ; des radiateurs à eau chaude, alors qu’il n’existait que des radiateurs électriques et un double vitrage sur les fenêtres quand 90 % des ouvertures n’en possédaient pas. Fort logiquement, l’acquéreur a vite constaté l’important décalage entre la consommation énergétique réelle et celle annoncée par le diagnostiqueur ; ce qui l’a incité à engager d’importants travaux afin de remédier à cette situation (en sollicitant un crédit à cette fin). Il a donc porté l’affaire en justice. Une expertise judiciaire a finalement classé le bien en catégorie G, et a conclu à une consommation énergétique annuelle supérieure à 6 000 euros, bien au-delà des 1 183 euros initialement annoncés par le diagnostiqueur dans son rapport.

Devant le tribunal, l’acquéreur fait valoir un préjudice supérieur à 100 000 euros. La somme correspond au surcoût énergétique lié au diagnostic erroné, durant les 20 ans à venir, ainsi qu’au coût des travaux nécessaires pour parvenir à la performance annoncée initialement. La défense de l’opérateur se présente ainsi : d’une part, les méthodes utilisées lors du diagnostic initial et lors de l’expertise ne sont pas les mêmes et peuvent aboutir à des écarts importants. D’autre part, l’opérateur n’est tenu que par une obligation de moyens. Enfin, le préjudice reste hypothétique, puisque rien n’indique que l’acquéreur restera en place durant les 20 années à venir.

Les arguments du défenseur n’ont cependant pas été retenus. Le tribunal a condamné l’opérateur au motif que le DPE ne peut qu’avoir « un impact sur la valeur du bien concerné », pour permettre à l’acquéreur d’évaluer le coût énergétique de l’immeuble, et les dépenses à prévoir afin de réduire ce coût.

L’opérateur se voit finalement condamné au paiement d’une somme de 40 000 euros, correspondant, selon le tribunal, à une « perte de chance ». Autrement dit, l’acquéreur n’a pas pu négocier une baisse du prix d’acquisition du bien, en prenant en compte ses médiocres performances énergétiques.

Difficile de savoir si ce jugement rendu en première instance fera jurisprudence, bien que celle-ci soit encore peu étoffée en ce domaine. Toutefois, la solution retenue dans cet arrêt suscite l’étonnement : dans le cas présent, les performances énergétiques ont été analysées par le juge comme un élément objectif de valorisation du bien. Au même titre que son état, son emplacement, et tout ce qui contribue au « standing ». De prime abord, il paraît pourtant difficile d’admettre que les performances énergétiques du bien puissent déterminer directement sa valeur économique. En effet, ces performances n’affectent pas l’usage du bien, tel un vice caché. De plus, ces performances ne sont pas figées dans le temps, puisqu’elles dépendent des habitudes individuelles de consommation et des travaux d’amélioration susceptibles d’intervenir, voire du type d’énergie utilisé (et du système de production choisi). Théoriquement, un ratio calculé au regard d’une consommation standardisée, tel celui proposé par l’étiquette énergie du DPE, ne saurait donc produire un impact direct et immédiat sur la valeur intrinsèque du bien.

Erreurs « grossières »

De façon révélatrice, le jugement est formulé de façon assez péremptoire :

« Une telle donnée économique [coût énergétique de l’immeuble] ne peut qu’avoir un impact sur la valeur du bien concerné ».

On peut s’interroger : cette affirmation ne repose sur aucun élément concret, et tout porte à croire que c’est d’abord le caractère « grossier » (tel est du moins l’avis du juge) des erreurs commises par l’opérateur qui a abouti à ce jugement. Autre source d’étonnement, le fait que l’acquéreur obtienne une telle indemnité, sur la seule base d’une perte de chance, alors que rien ne prouve, a priori, que le prix d’acquisition aurait véritablement pu être renégocié du fait des performances énergétiques, d’autant que, comme l’a relevé le tribunal, l’acquéreur avait déjà consenti une réduction du prix.

Cette perte de chance, assez hypothétique, traduit peut-être la difficulté pratique que suscitait le chiffrage des conséquences d’une étiquette énergétique moins favorable que celle annoncée. Ce jugement et son écho médiatique résonnent comme une mise en garde. Et le diagnostiqueur prendra soin de se prémunir contre de telles actions. Pour rappel, il est conseillé de conserver pendant 5 ans au minimum les éléments (factures, etc.) ayant permis de calculer les performances énergétiques (en cas de non-obtention de ces éléments, le stipuler clairement, et indiquer que le DPE sera établi sur la base des seules informations connues de l’opérateur).

Enfin, le professionnel doit veiller à ce que la description du bien et de ses équipements demeure pertinente. Il ne doit pas  s’engager sur l’existence d’éléments dont l’opérateur n’a pu se rendre compte par lui-même.

Selon le tribunal, le DPE ne peut qu’avoir “ un impact sur la valeur du bien concerné ”.