Damien JOST
Avocat dans le domaine immobilier
Interpréter un diagnostic immobilier et en déduire les actions à mettre en œuvre ne sont pas des tâches aisées pour le profane. Damien JOST, vous donne des clés afin d’identifier les points devant vous alerter à la lecture de ce document.
Décrypter le diagnostic immobilier pour mieux se protéger
La formulation du rapport de diagnostic suscite parfois la perplexité du lecteur.
Alternant langage technique et termes juridiques, accumulant les informations de toute nature, sous des formes multiples (texte, tableaux, chiffres), le rapport de diagnostic sollicite fortement l’attention du lecteur, profane ou professionnel, désireux de saisir la portée exacte du contenu du rapport produit par le diagnostiqueur (souvent dans l’urgence).
Pour le propriétaire comme pour le professionnel de l’immobilier, l’enjeu est de taille, car le diagnostic, par les informations qu’il contient (mais aussi en raison des zones d’ombre qu’il peut laisser subsister), peut parfois devenir bombe à retardement, alors même qu’il s’est banalisé, au point, trop souvent, d’être réduit à une formalité légale voire une contrainte aussi inutile que coûteuse.
Précision importante : le terme « diagnostic » est ici entendu au sens le plus large, afin de désigner l’ensemble des prestations nécessaires dans le cadre d’une vente ou d’une location (amiante, DPE, mesurage « loi Carrez », etc.).
Si elle se révèle parfois exigeante, la bonne compréhension du contenu du rapport de diagnostic représente un investissement utile pour le propriétaire et le professionnel qui l’accompagne (A).
Quelques « clés de lecture » du rapport de diagnostic peuvent être proposées afin de simplifier la tâche du lecteur (B).
A – Savoir lire entre les lignes du rapport de diagnostic
Le rapport établi par le diagnostiqueur (aussi appelé « opérateur ») décrit le bien à un instant donné, dans le but, par exemple, de mettre en évidence la présence d’un polluant (au sens large : amiante, plomb, etc.), de déterminer une surface « loi Carrez », voire même la nature des risques naturels et technologiques.
Cette description s’appuie sur les constatations matérielles de l’opérateur mais aussi sur les informations reçues (ou pas !) par celui-ci à l’occasion de sa mission, notamment de la part du client ou de son représentant.
En pratique, les zones d’ombre demeurent fréquentes dans le cadre du diagnostic effectué.
Trois raisons principales à cela.
En premier lieu, le diagnostic est toujours effectué en fonction d’un cadre réglementaire définissant strictement le contenu de la mission de l’opérateur.
A titre d’exemple, le diagnostic « termite » prévu à l’article L. 133-6 du Code de la construction et de l’habitation ne correspond pas au constat d’état parasitaire utilisé dans les régions où les termites sont, encore, inconnus (globalement la moitié nord de la France, à l’exception de Paris, ville partiellement infestée), ces deux types d’examens obéissant chacun à un référentiel technique spécifique.
Or le diagnostiqueur accomplit sa mission en fonction de l’objectif principal qui lui est assigné par la réglementation (tout en ayant la possibilité de formuler, à titre accessoire, des remarques à propos des autres constatations qu’il a pu faire).
Aussi, dans le cadre d’un diagnostic termite, il ne saurait lui être fait grief de n’avoir pas étendu sa recherche à tous les autres agents destructeurs du bois, tous insectes et champignons confondus (ce qui pourrait lui être reproché s’il avait été chargé de réaliser un « état parasitaire »).
Le contenu du diagnostic dépend donc, tout d’abord, du type de la mission confiée à l’opérateur.
En second lieu, le diagnostiqueur n’est pas autorisé – sauf situations particulières – à porter atteinte, d’aucune manière, au bien examiné, de sorte qu’il ne lui est pas possible de pratiquer des sondages destructifs (qui sont pourtant les seuls permettant de donner une image réelle du bien, au-delà de son apparence, souvent trop flatteuse).
C’est la raison pour laquelle le diagnostiqueur se borne souvent à évoquer la présence de « signes » ou d’« indices » laissant présumer la présence d’un polluant ou d’une infestation, sans pouvoir donner de certitude à ce sujet.
Aussi le lecteur doit prêter attention à la mention du moindre indice d’infestation, ou de la moindre suspicion quant à la présence de matériaux amiantés.
Peu importe la formulation, très variable, de l’information : par exemple la formule « traces de termites » (anciennes ou pas) implique un risque potentiel, puisque, par définition, un diagnostic ne peut donner aucune certitude.
En troisième lieu, il est fréquent que l’opérateur ne puisse pas examiner l’intégralité du bien (combles, vide sanitaire, parois doublées, isolées) et/ou qu’il n’ait reçu aucune information sur le passé du bien, notamment les anciens rapports de diagnostic pouvant contenir des informations importantes (présence d’amiante, d’insectes, de mérule), étant précisé qu’il est évidemment rare que les polluants (quels qu’ils soient) disparaissent spontanément du bâtiment.
La comparaison du diagnostic qui vient d’être réalisé avec celui effectué précédemment (par exemple lors de la précédente vente) révèle souvent des divergences importantes, qui impliqueraient en elles-mêmes une vérification (à la condition d’en avoir matériellement le temps !).
L’inaccessibilité partielle des locaux amène normalement l’opérateur à insérer des réserves dans son rapport de mission, par exemple du type « bien encombré, meublé », « parties inaccessibles sans sondages destructifs » ou encore « charpente inaccessible ».
Or les litiges naissent fréquemment à propos de désordres découverts dans les parties déclarées inaccessibles (voire peu accessibles) par l’opérateur, particulièrement les parties hautes (combles, grenier) et basses (vide sanitaire, cave).
Ces réserves appellent la plus grande vigilance du client donneur d’ordre, qui ne doit pas hésiter, à la lecture du rapport de mission, à interroger le diagnostiqueur sur les motifs l’ayant conduit à faire état d’une inaccessibilité, quitte à demander à celui-ci des investigations complémentaires afin que le diagnostic soit aussi complet que possible.
L’idéal étant, bien entendu, d’accompagner l’opérateur lors de son diagnostic, afin de permettre à celui-ci d’accéder le plus facilement possible à toutes les parties intérieures du bien (sachant que certains diagnostics impliquent aussi l’examen de l’extérieur du bien).
B – Grille de lecture du rapport de diagnostic
Trois exemples concrets permettront de visualiser les « clignotants » susceptibles d’alerter le lecteur et ainsi de l’inciter à s’interroger et/ou interroger l’auteur du rapport de diagnostic afin de saisir sa portée pratique.
Rappelons notamment qu’une infestation de mérule, de termites, ou encore de capricornes (grand destructeur de charpentes), peut entraîner un sinistre coûteux et particulièrement long à gérer, souvent source d’expertise judiciaire.
Mérule
Exemple de message devant alerter le lecteur sur la présence potentielle d’un champignon lignivore de type « mérule » (sachant que ce champignon se signale, la plupart du temps, par des filaments dont la couleur et l’aspect sont très variables) :
CHAMPIGNONS LIGNIVORES
Cave : en sous face d’escalier ancien.
Traces de filaments mycéliens liées à une ancienne attaque d’un champignon de type « Coniophore ».
Sur quelques ancrages Nord et Sud de solives, et planchers bois en rive de mur.
Présence de pourriture fibreuse et de pourriture cubique.
Par voie de conséquence, en présence d’une telle information, la prudence commande de faire réaliser des investigations complémentaires, en prévoyant des sondages destructifs (la mérule se situe généralement sous les doublages et revêtements apparents), de manière à déterminer la nature et la gravité de l’infestation, et ainsi évaluer le coût du traitement et des éventuels travaux de reprise.
Termites / capricornes
Exemple 1 (Les termites)
Message figurant dans un tableau descriptif (situé en 2e page d’un rapport en comptant 6), mettant en évidence une infestation de termites à l’extérieur du bien examiné, susceptible de concerner l’intérieur de celui-ci à terme (notamment en l’absence de traitement par une entreprise spécialisée) :
Face à un tel message, le propriétaire ou son représentant devrait, a minima, consulter une entreprise de traitement afin de faire établir un devis de traitement (étant rappelé que traiter une infestation « vivante » oblige à prévoir une large zone de traitement et non pas une zone circonscrite aux seuls points d’attaque).
Exemple 2 (Les capricornes)
Réserve devant alerter le lecteur afin de diligenter des investigations complémentaires de manière à faire examiner la totalité de la charpente :
Amiante
Exemple n°1
Message signifiant que la recherche d’amiante n’a pas été complète, en raison de parties jugées inaccessibles ou non visibles par l’opérateur.
4.3 Écarts, adjonctions, suppressions par rapport aux normes en vigueur
La mission de repérage ne s’est pas déroulée conformément aux prescriptions de la norme NF X 46-020, révision de décembre 2008.
Les écarts suivants sont à signaler :
– Plancher bas non visible sous le parquet flottant dans l’entrée, le salon et le séjour
– Plancher bas non visible sous la moquette collée dans les chambres, la salle d’eau, le débarras, les placards de l’entrée, du dégagement et du débarras
– Plancher bas non visible sous le revêtement PVC de la salle de bains
– Placard de la cuisine non visible derrière les éléments d’électroménager
– Cave et débarras (et le placard) non visibles en totalité en raison de l’encombrement
– Bien meublé le jour de la visite pouvant masquer partiellement les murs et sols
En pareil cas, il est prudent d’interroger l’opérateur afin de déterminer avec lui la nature des investigations qui permettront de compléter le diagnostic initial (la découverte ultérieure (1) d’amiante – ou d’un volume d’amiante imprévu – tend à devenir un levier de financement entre les mains de l’acquéreur du bien).
Exemple n°2
Message signifiant que le diagnostic réalisé correspond à un type spécifique d’examen (le diagnostic « avant vente » requis par l’article L.1334-13 du Code de la santé publique) et qui ne peut donner les mêmes résultats qu’un autre type de diagnostic (par exemple le diagnostic « avant travaux ») :
Avertissement : les textes ont prévu plusieurs cadres réglementaires pour le repérage des matériaux ou produits contenant de l’amiante, notamment pour les cas de démolition d’immeuble. La présente mission de repérage ne répond pas aux exigences prévues pour les missions de repérage des matériaux et produits contenant de l’amiante avant démolition d’immeuble ou avant réalisation de travaux dans l’immeuble concerné et son rapport ne peut donc pas être utilisé à ces fins.
Deux conséquences pratiques découlent d’un tel message :
• d’une part que la recherche effectuée s’est déroulée dans les limites d’une « check list » déterminée de façon rigide par la réglementation, sans permettre au diagnostiqueur le moindre sondage destructif (alors que l’amiante se situe rarement à l’extérieur des matériaux, mais plus souvent en « sous-face » ou en doublage),
• d’autre part qu’en cas de réalisation ultérieure de travaux, le propriétaire devra faire réaliser un diagnostic amiante du type « avant travaux », sans pouvoir réutiliser à cette fin le diagnostic « avant vente ».
(1) Comprendre : après la vente.